Biographie

Un grand dessein et un grand destin


Fils ainé du roi Albert Ier et de la reine Elisabeth, né le 3 novembre 1901, le prince Léopold fut, à la fin de la guerre 14-18, le plus jeune soldat de l’armée belge. A l’armistice, le prince n’avait pas encore dix-sept ans. Il était passé durant la guerre par le collège d’Eton, en Angleterre, où ses matières préférées avaient été les mathématiques, les sciences et la géographie.

En novembre 1920, peu avant son dix-neuvième anniversaire, Léopold entra à l’Ecole royale militaire. Son travail acharné lui valut de se classer parmi les meilleurs de sa promotion.

Muni d’une culture générale solide et équilibrée, il put développer ses connaissances tout au long de sa vie. Il les approfondira sans cesse. On connaît sa prédilection pour l’histoire et les sciences, surtout la botanique et les mathématiques. Ces goûts l’orienteront également vers l’archéologie et l’ethnologie.

L’un de ses premiers voyages le mena en Egypte, accompagnant sa mère, la reine Elisabeth. Le 26 novembre 1922, la Reine et le Prince étaient, en effet, aux côtés de Lord Carnarvon et de Howard Carter pour l’ouverture des dernières chambres du tombeau de Tout Ankh Amon. Il visita ensuite le Soudan anglo-égyptien et suivit le Nil bleu jusqu’à la frontière de l’Abyssinie.

En 1925, il parcourut le Congo belge dans tous les sens durant sept mois, étudiant tous ses aspects: logement, conditions de travail, problèmes de santé? A son retour, il présenta un rapport détaillé au deuxième Congrès Colonial. Il y proposait des mesures progressistes pour améliorer les conditions.

En 1933, il retourna au Congo pour trois mois, accompagné de sa première épouse la princesse Astrid. A son retour, il fit rapport au Sénat, traitant de la surexploitation des mines, de projets industriels déséquilibrant l’économie, faisant des propositions pour améliorer l’agriculture. Il insista sur les mesures à prendre pour améliorer le bien-être de la population et accroître la prospérité de la colonie. Ce fut aussi le sujet d’une conférence remarquée à l’African Society de Londres.

Après la Seconde guerre mondiale et la période d’exil en Suisse, le roi Léopold reprit ses expéditions de par le monde. Le bilan des missions scientifiques effectuées après son effacement en 1951 est impressionnant, suffisant pour combler les aspirations d’un chercheur. Il parcourut 24 régions en un peu plus de 20 ans, allant en Amérique Centrale quatre fois, en Amérique du Sud cinq fois, spécialement en Amazonie, en Indonésie trois fois, en Inde trois fois, aux Etats-Unis, en Extrême-Orient et en Afrique. Cette œuvre fut poursuivie par le Fonds créé en 1972 par le Roi Léopold pour l’exploration et la conservation de la nature.

Au début des années 50 également, le premier ministre Achille Van Acker et le Gouvernement demandèrent au roi Léopold d’assurer la présidence de la Commission nationale créée pour l’étude des problèmes posés, à la Belgique et à ses territoires d’outre-mer, par les progrès des sciences, ainsi que de leurs répercussions économiques et sociales.

De par sa formation et son expérience, le roi Léopold était tout désigné pour cette tâche. Le travail de cette commission fut remarquable. Ses recommandations reçurent des suivis importants dans l’enseignement supérieur et servirent de base à la politique scientifique belge.

Le roi Léopold avait toujours voulu mieux connaître le monde. Les vicissitudes (le mot est du Roi lui-même) de son règne lui permirent de découvrir notre planète, de la parcourir en tout sens, de rencontrer ses habitants. Ces nombreux voyages traduisent une volonté de toucher le réel, l’authentique.

Après son effacement, le Roi sut tourner la page sur les épreuves. Il conjugua dès lors son rôle d’époux aimant et de père attentif avec la poursuite de ses nombreux intérêts d’ordres humanitaires et scientifiques.

C’est un homme heureux ayant accompli un grand dessein et un grand destin qui nous a quittés le 25 septembre 1983.

Baron Jaumotte
Recteur honoraire de l’Université Libre de Bruxelles
Vice-Président du Fonds Léopold III pour l’Exploration et la Conservation de la Nature